Audio

S2E5: Neila Tazi: L’art et la culture, les leviers du changement

January 9, 2023
ifc
Dans cet épisode de Creative Development with IFC, Makhtar Diop reçoit Neila Tazi, entrepreneure marocaine, parlementaire, fervente défenseure des arts et de la culture et fondatrice du Festival Gnaoua et Musiques du Monde.

Subscribe & Listen


  Spotify
  Stitcher

Dans cet épisode de Creative Development with IFC, Makhtar Diop reçoit Neila Tazi, entrepreneure marocaine, parlementaire, fervente défenseure des arts et de la culture et fondatrice du Festival Gnaoua et Musiques du Monde. Au cours de cette discussion riche et inspirante, Neila nous parle de l’Afrique et du monde arabe, intimement liés par la musique, l’art et l’histoire, de sa passion pour les relations humaines, tissées grâce à la musique et de son engagement à servir son pays, le Maroc.

In this episode of Creative Development with IFC, Makhtar Diop is in conversation with Neila Tazi, a Moroccan entrepreneur, parliamentarian, champion of arts and culture, and founder of the Gnaoua World Music Festival. In an informative and inspiring discussion Neila tells us about how Africa and the Arab world are intimately linked through music, art and history; her passion for the connections forged through music, and her commitment to serving her country, Morocco.

Points forts


Transcription

Français  |  English  |  عربي

Makhtar Diop (MD) : Bonjour et bienvenue à Creative Development with IFC. Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de recevoir Neila Tazi. Neila est une pionnière et une source d’inspiration. Son parcours au Maroc ne peut que laisser admiratif. Femme de conviction, Neila siège au parlement marocain, à la Chambre des conseillers. C’est une femme d’affaires, elle dirige une grande agence de communication. C’est une femme de culture, Neila a créé le Festival Gnaoua et Musiques du Monde à Essaouira, qui depuis plus de 20 ans, rend hommage au patrimoine culturel et musical du Maroc et dont le rayonnement est devenu international. Neila, c’est un plaisir de vous avoir aujourd’hui autour du plateau et je voudrais commencer par vous dire que vous êtes certainement l’une des seules invitées à ce podcast dont l’un des parents a travaillé pour la Banque mondiale. Vous êtes née à Washington, dites-nous comment cet environnement à Washington, cette vie dans une famille de diplomates de l’économie a influencé votre parcours?

Neila Tazi (NT) : Makhtar, je commencerais par vous remercier chaleureusement pour cette invitation qui est très symbolique pour moi pour plusieurs raisons, celles que vous venez d’évoquer et sur lesquelles je vais revenir, mais aussi parce que parler des sujets de la culture et des industries créatives aujourd’hui avec le Groupe Banque mondiale et vous qui incarnez la SFI, c’est pour moi une occasion extrêmement importante de plaidoyer pour le sujet. Alors la Banque mondiale, c’est un grand bonheur pour moi de pouvoir aujourd’hui être invitée avec vous dans cette émission, parce que je suis née à Washington dans les années 60, parce que mon père au début des années 60 occupait un poste de fonctionnaire international à la Banque mondiale où il était en charge de 13 pays. Donc un jeune marocain avec de grandes compétences, maîtrisant plusieurs langues, avec sa jeune épouse, ont décidé d’aller s’installer à Washington au lendemain de l’indépendance de nombreux pays de notre région. Donc une phase de reconstruction pour de nombreux pays, pas que dans notre région, parce que mon père aussi s’occupait de plusieurs pays qui étaient donc des pays d’Asie, comme l’Indonésie par exemple. Donc 13 pays et nous étions à Washington, une famille très, comment dire, très ouverte sur les cultures, très ouverte sur les cultures du monde. J’ai eu la chance de voir la maison de mes parents, que ce soit à Washington pendant les années où j’y ai vécu, mais aussi au Maroc, notre maison toujours traversée et habitée par des invités étrangers de toutes nationalités. C’était une grande chance, une grande ouverture sur la diversité, sur les langues, j’ai la chance de parler 4 langues. Et puis aussi, sur les cultures du monde, donc une éducation très tolérante, très ouverte sur le monde. Mes parents ont vécu 12 ans à Washington.

MD : C’est très intéressant, parce que vous avez été exposée à toutes les cultures du monde, mais vous êtes revenue à la culture marocaine dont vous êtes aujourd’hui l’un des grands promoteurs. Vous avez également fait quelque chose d’assez unique : vous êtes parmi ceux qui ont participé en premier au Rallye des Gazelles. C’était quelque chose de tout à fait inédit à l’époque, parlez-nous un peu de ça.

NT : Oui, alors vous savez Makhtar, quand j’ai fini mes études et que j’ai lancé mon entreprise très tôt - j’ai voulu très tôt être entrepreneur -, j’avais envie de lancer une agence de communication pour travailler sur les mentalités, travailler sur les grands projets de communication qui font évoluer la perception que l’on a du monde, mais aussi que l'on peut avoir de notre pays d’ailleurs. Et j’ai, avant de lancer mon agence, participé à un rallye automobile qui s’appelle le Rallye des Gazelles. C’est un Rallye qui est organisé chaque année dans le désert, dans le Sahara marocain, où seules des femmes participent. C’est un rallye de navigation à la boussole et il n’y a que des femmes, c’est exclusivement réservé aux femmes. Donc j’y ai participé en 1991 et j’ai adoré ce projet. Et en 92, j’ai proposé d’intégrer l’organisation pour développer la participation des femmes marocaines à ce rallye, pour qu’elles puissent aller découvrir le grand sud marocain, pour qu’elles puissent aussi dire aux hommes qu’elles ont envie de le faire, qu’elles peuvent le faire, et que ce ne sont pas des expériences qui sont uniquement réservées à la gent masculine. Donc, évidemment, c’est un projet qui a très bien marché, qui s’est beaucoup développé et qui, aujourd’hui, a dépassé les 30 ans d’existence et qui est devenu l’un des rendez-vous phares sur le plan sportif et médiatique pour le Maroc et son rayonnement à l’international. C’était une très belle expérience que je recommande à beaucoup de femmes, aussi pour tout ce qui est dépassement de soi. Ce sont des épreuves sportives très difficiles, et quand on arrive au bout, on se dit qu’on est vraiment capable de faire des choses qu’on ne soupçonnait pas.

MD : Vous avez mis vraiment la musique et la culture gnaoua sur la planète. J’ai découvert personnellement la musique gnaoua à travers Randy Weston, un musicien de jazz, et la musique gnaoua a vraiment dépassé les frontières du Maroc. Un musicien comme Marcus Miller utilise des instruments gnaoua comme introduction dans un de ces morceaux qui a eu un Grammy Awards. Et je crois que cela montre la puissance de cette musique. C’est un peu une musique mystérieuse, elle est soufie, elle est mystique, elle est spirituelle, et on discute toujours de son origine. D’où vient le mot gnaoua ? Delafosse, l’historien, a défini les Gnaouas d’une certaine manière. On trouve des éléments de culture gnaoua en Tunisie, ou en Égypte où on les appelle Zār. On les appelle Stambali et Benga. On les appelle Diwan dans une autre partie du Maghreb. Parlez-nous un peu des Gnaouas.

NT : Les Gnaoua sont les descendants d’anciens esclaves. Ils sont originaires du Sénégal, du Niger, du Soudan, de Guinée. Et effectivement, Maurice Delafosse a fait un travail de recherche sur le sujet et sur l’époque coloniale. Mais en réalité, je vous dirais, Makhtar, qu’il y a un grand travail à faire encore. Et c’est probablement ce qu’il manque. Et les choses auxquelles on doit s’atteler aujourd’hui, surtout ce qui touche le patrimoine et l’héritage culturel en Afrique, il faut que nous allions faire des recherches avec des historiens, des anthropologues, pour en savoir plus. Parce que les Gnaoua eux-mêmes, qui sont des descendants d’esclaves qui sont arrivés au Maroc au 16e siècle, se sont sédentarisés dans différentes villes à travers le Maroc. Et ils ont leurs rituels, leurs pratiques thérapeutiques, leurs pratiques de transe, qui sont des traditions issues de pays subsahariens qui ont été enrichis par des apports musulmans, arabes et berbères. En berbère, gnaoua veut dire noir. Mais aujourd’hui, même cette question-là, elle mérite plus de recherches. Et donc ces Gnaoua se sont installés au Maroc, puis ils ont évolué au Maroc et leur culture est très populaire. Leur culture est très populaire parce que c’est une culture qui n’est pas dans une forme d’orthodoxie ou d’idéologie. C’est une culture qui est populaire et qui parle au cœur de l’ensemble des Marocains. Et lorsque nous avons créé ce festival, nous n'imaginions pas d’ailleurs qu’il aurait un succès aussi populaire. Parce qu’il faut le rappeler, les Gnaoua étaient quand même marginalisés de par, justement, leurs pratiques et la mystique qui est la leur. Ils étaient marginalisés, on les voyait beaucoup plus dans les rues. Ils pratiquaient leurs instruments, notamment les crotales, parce que les Gnaoua jouent des crotales en métal, mais aussi du guembri, qui est une basse à 3 cordes, lorsqu’ils ont des rituels, des soirées musicales. Mais dans la rue, c’est essentiellement les crotales, que l’on appelle les karkabous. Et généralement, ces musiciens, on leur donnait de l’argent dans la rue. Ils ont porté cette image pendant trop longtemps et le festival est venu changer cet état d’esprit, changer cette perception, changer cette mentalité, de par le travail qui a été fourni et de par la continuité du projet et le propos, le récit qui est le nôtre depuis sa création, mais aussi par l’image que les Gnaoua ont donné à travers leur popularité. Je dois dire que Essaouira, qui était une ville en grande souffrance, qui était une ville quasi mourante, lorsque nous avons créé le festival, elle a vécu une véritable renaissance. C’est une ville de 70 000 habitants qui, au pic du succès du festival, en accueillait 500 000 pendant 4 jours. Donc je vous laisse imaginer la puissance de la réponse du public, l’impact économique, l’impact médiatique et ce que ce festival a suscité pour cette communauté, mais aussi pour nos territoires au Maroc. Beaucoup de villes se sont inspirées de ce succès, mais pas qu’au Maroc d’ailleurs, je dirais même en Afrique et ailleurs dans le monde.

MD : Retournons un peu à la musique gnaoua. La première fois que j’ai entendu la musique gnaoua, j’ai pensé aussi aux Derviches tourneurs. Il y a un peu ce que l’on voit chez les Derviches tourneurs, cet aspect répétitif dans la musique, avec des boucles qui se répètent, avec des variations très intéressantes et très subtiles, mais qui vous envoûtent et qui vous emmènent dans une dimension de spiritualité, de transe qui sont difficiles à définir oralement. Parlez-nous un peu du maâlem, c’est le maître du guembri. Parce que tout le monde ne connaît pas cette musique, et je suis sûr que les auditeurs seraient très intéressés de savoir un peu quel est le rôle du maâlem, quel est le rôle du guembri. Ce sont les principaux instruments qui sont utilisés par la musique gnaoua?

NT : Les instruments, comme je l’ai dit, il y a le guembri, qui est une basse à trois cordes qui est pratiquée par le maâlem. C’est lui qui joue le guembri et c’est lui qui conduit la lila. Alors, je dois préciser une chose, Makhtar. Dans la culture gnaoui, il y a deux aspects. Il y a le volet rituel, spirituel, qui se reflète dans une pratique thérapeutique qui s'appelle la lila - ça veut dire la nuit -, qui commence au coucher du soleil et qui se termine au lever du soleil, et qui démarre par des sacrifices… Un sacrifice et puis tout un rituel qui a des codes très précis - que j’invite les auditeurs à découvrir dans un certain nombre de publications ou de documentaires qui sont en ligne -, parce que c’est tout un rituel qui se décline tout au long de la nuit avec des pratiques de transe. Et les gens qui y croient en attestent, il y a des pouvoirs de guérison dans ces pratiques de transe qui n’existent pas que dans la musique gnaoui mais aussi dans d’autres musiques qui sont similaires et qui ont la même origine que les Gnaouas. Il y a l’autre volet qui est le volet purement musical, donc le répertoire musical auquel nous nous sommes particulièrement intéressés et attachés pendant toutes ces 25 années avec le festival. Pourquoi? Parce que c’est une musique de transe, c’est une musique dont le rythme fascine les artistes et les musiciens à travers le monde, et le public, qui se laisse totalement emporter par cette musique, sans même comprendre le sens des paroles. C’est le rythme, c’est la musique et c’est la capacité de fusionner qu'ont les Gnaouas avec les musiques du monde qui font que les gens se sentent pris dans une transe. Et cette dimension musicale, nous nous y sommes particulièrement intéressés parce que le succès populaire dont je parlais tout à l’heure, faisait que nous devions aussi répondre à une demande très forte d’un public marocain, mais aussi de l’international, qui venait pour écouter la musique gnaoui, dans un contexte de grand concert, où on pouvait découvrir à la fois cette musique, mais aussi des fusions exceptionnelles. Parce que c’est ce qui fait aussi que Randy Weston s’y est intéressé, il a été même l’un des pionniers à vouloir révéler cette musique africaine au reste du monde. Elle parle à toutes les musiques. On a des fusions avec des artistes de jazz, de blues, de la santería de Cuba, le candomblé du Brésil. On a tellement fait de choses et de fusions, pris des risques artistiques dans ce festival, mais c’est toujours assez impressionnant parce que la réponse est là et la magie opère à chaque fois. Il y a une capacité de dialogue à travers la musique qui est assez fascinante, et dont les musiciens parlent tout le temps. Parce que les musiciens qu’on invite viennent, et veulent toujours revenir. Je parle des musiciens étrangers, qui viennent fusionner avec les gnaouas. Et je pense que c’est cette force-là, c’est cette spiritualité-là qui est plus importante que toutes les autres, parce qu’il y a un dialogue des cultures et il y a un dialogue des cœurs en fait.

MD : Vous avez également utilisé vos qualités de femme politique, de femme qui siège au Parlement, qui siège au Sénat, pour mettre cette culture un peu au centre de la politique culturelle du Maroc, et vous avez également réussi à créer ces ponts nécessaires entre les différentes cultures. Maintenant, parlons un peu de l’aspect entrepreneur et de l’aspect de création d’un festival qui a réussi à survivre au cours de toutes ces années, et qui a réussi à se maintenir, ce qui n’est pas une occasion aisée d’un point de vue financier et économique. Comment voyez-vous cette industrie de la culture et ce festival, de manière générale ?

NT : Merci pour cette question, parce qu’elle est au cœur de mon itinéraire et de mon engagement politique. Elle est même ce qui m’a conduit en politique. Pourquoi Makhtar ? Je vais vous l’expliquer. Lorsque j’ai créé ce festival, je l’ai créé en tant qu’entreprise privée. J’ai une agence de communication, je pense que l'événementiel culturel, et la culture en règle générale, ont une réelle capacité à la fois à faire rayonner nos territoires, à créer de l’emploi pour la jeunesse, à créer de la richesse dans nos territoires. Et la démonstration, on a dû la faire. Parce qu’au début, lorsqu’on a commencé ce proje, d’abord il faut le rappeler, c’est une culture minoritaire que nous avons voulu défendre dans un territoire en souffrance. Donc, nous n’avions pas réuni les conditions les plus faciles d’un point de vue économique, mais nous avions un projet - et nous l’avons toujours - qui est très pertinent. À savoir, raconter, parler d’un récit, d’une minorité qui incarne une culture populaire, et qui incarne l’ancrage africain du Maroc. Je rappelle que nous sommes un pays qui est à la porte de l’Afrique et qui joue un rôle très important en Afrique. Mais à l’époque, je dirais que nous étions beaucoup plus tournés vers nos cultures arabes, occidentales, de parler de grandes écoles qui étaient fréquentées par nos élites. Et en tournant notre regard et en revendiquant nos racines africaines, on a aussi permis, par la culture, de s’ouvrir sur ce pan entier de notre patrimoine et de notre identité. Le fait d’être une entreprise privée n’a pas facilité les choses parce que la culture a été longtemps considérée par nos responsables politiques et économiques comme étant un secteur social, donc un secteur subventionné. Un secteur qui ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à être subventionné pour aider des artistes, parce qu’il faut que la culture soit là, qu’elle existe. Et on assiste, ces dernières années, à une prise de conscience très importante de la nécessité pour notre région du monde de défendre son patrimoine, d’en faire un capital. et qu'elle ait… ce patrimoine et cette créativité, je dirais, sont essentiels dans la construction de nos pays, de nos jeunesses. Donc, pourquoi ça a été dur d’être une entreprise ? J’y reviens tout le temps. Parce que ça ne rentrait pas dans la vision que se faisait la grande majorité des responsables, de ce que doit être la culture. À savoir, un vrai secteur, qui doit être géré de manière très professionnelle, très structurée, avec des ressources, des compétences, avec une vision, avec une planification, si on veut bien sûr accéder à des projets de grande qualité, qui nous permettent de rayonner à travers le monde et de tirer l'ensemble des professionnels vers plus de performance, d’efficacité et de qualité. C’est ce dont on a besoin. Donc il a fallu, en tant qu’entreprise, plaidoyer sur ce sujet et se battre. Et ça n’a pas été facile. Mais je dirais que ce qui est intéressant, c’est que c’est en train de se passer aujourd’hui, parce que l’ensemble des jeunes aujourd’hui, qui sont attirés par ces métiers - et ils ont bien raison - ont besoin de trouver un secteur structuré, organisé. Et dans notre région du monde, on a besoin de créer de l’emploi pour les jeunes. C’est l’un de nos grands défis, et la culture et les industries créatives sont un début de réponse à ce défi-là.

MD : Absolument, je suis tout à fait d’accord avec vous, Et c’est la raison pour laquelle on a ce dialogue, pour essayer de voir comment la SFI peut contribuer à cela. Mais ce que je voulais surtout mettre en exergue, c’est que vous avez, à travers une intervention du secteur privé, contribué à l’inclusion sociale. Vous avez parlé d’un groupe, d’une minorité, qui n’était pas au centre de la perception de ce qu’est l’identité marocaine. Vous avez réussi à la mettre en exergue et à la présenter comme étant un élément. Vous avez pris des gens qui utilisaient leur art pour vivre, mais qui en vivaient d’une manière qui ne leur donnait pas la dignité à laquelle ils aspirent. Vous avez donc transformé des artistes de rue qui recevaient les passants, en des artistes qui… je ne veux pas utiliser le mot… en des artistes qui sont reconnus internationalement. Vous avez pris une région qui est une région du sud du Maroc, et vous avez essayé de faire un développement territorial dans une région qui, à priori, n’était pas nécessairement destinée à une croissance économique à un certain niveau. Donc tout cela vous avez réussi à le faire et vous avez réussi à démontrer que l’art était un moyen important pour arriver à ces objectifs, qui en général, figurent dans les grands plans de développement des pays mais qui ne sont pas nécessairement liés à l’art, ou du moins, qui ne sont pas perçus comme étant liés à l’art. Maintenant, si on voulait prendre cette initiative, cette idée, ce concept, la prendre un peu plus loin et avoir une plus grande contribution de l’art au développement économique, quelles sont les suggestions que vous feriez ? Qu’est-ce que vous dites quand vous allez au Parlement, au Sénat, pour parler des industries culturelles, des industries créatives. Qu’est-ce que vous leur dites ?

NT : Vous savez, au Sénat, nous avons la chance d’avoir une composition très intéressante puisque nous avons les Chambres professionnelles, le secteur privé, les syndicats et les collectivités territoriales. Donc aujourd’hui, dans le cas de la régionalisation avancée, au Maroc, chaque territoire essaie de travailler sur ces spécificités. Et parmi les choses que j'essaie de revendiquer, il y a l'importance de mettre la culture au cœur des priorités, des plans de développement de chaque région. Parce que chaque région a des spécificités culturelles sur lesquelles elle peut s’appuyer, que ce soit pour renforcer l'identité et la marque territoriale, que ce soit pour attirer des touristes et avoir un récit qui a du sens, qui a de la profondeur. Parce qu’aujourd’hui on le sait, au Maroc par exemple, 60% de nos touristes viennent pour une offre culturelle. Donc aujourd'hui, on doit être en mesure de prendre conscience de l'importance de ces chiffres et de renforcer notre offre culturelle et de la structurer. Nous savons aussi que la culture renforce l'expérience du lieu. Lorsqu'on vient dans un endroit, on a envie de faire une immersion dans l’identité d’un lieu, d’une population, dans ses pratiques, ses coutumes, sa musique. Et au Parlement, je ne cesse de le répéter. Et pour y arriver, il faut que nous ayons la « big picture », la grande photo de ce que ça nécessite. À savoir, au-delà des moyens, de la convergence qui est au cœur de la stratégie gouvernementale du Maroc aujourd'hui, ça nécessite de la concertation, de la convergence. Ça nécessite l’innovation. Nous avons besoin aujourd’hui d’avoir le courage d’adapter une fiscalité pour le secteur de la culture, d’adapter notre législation pour le secteur de la culture. Nous avons des lois qui sont là mais qui ont besoin d’être mises à jour. Vous savez, la culture s'est beaucoup accélérée au Maroc. Elle est allée très vite. Le secteur privé est allé plus vite que le législateur. Donc, moi j’ai la chance de représenter le secteur privé au sein de notre Sénat. Je suis également la présidente de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale, et des Marocains résidents à l’étranger. Et je rappelle aussi que dans notre soft power, dans notre diplomatie, la culture est fondamentale, et nous le savons déjà. Le Maroc fait beaucoup de choses sur le plan de sa diplomatie culturelle, mais nous pouvons aller encore plus loin s’il y a des synergies, et s’il y a un renforcement en matière de coopération. Ça, c’est ce que je défends aussi dans la commission que je préside au Parlement. Voilà la dimension législative, fiscale, la diplomatie et beaucoup d’autres choses bien sûr… Je ne vais pas toutes les citer, mais je dirais, qu'au sein de la Chambre des Conseillers, je suis un petit peu, ou même beaucoup, le porte-drapeau des industries culturelles et créatives, parce que j’ai aussi la chance aussi de présider la Fédération des Industries culturelles et créatives, et donc de défendre un secteur dans sa vision moderne, dans sa vision structurée, dans sa vision ambitieuse. Parce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, nos politiques ont trop souvent l’impression que la culture est un secteur social. Et aujourd’hui, tout l’enjeu, c’est de changer ces mentalités et de faire comprendre que la culture, c’est un enjeu économique, c’est un enjeu du développement durable.

MD : Merci beaucoup. Nous sommes tout à fait intéressés de vous accompagner dans cet effort. C’est un secteur que nous découvrons, nous à la SFI, parce que c’est un secteur qui demande des compétences très particulières. Et qui est assez spécialisé. Quand on parle de ces industries créatives, de l’extérieur, ça a l’air d’être quelque chose de monolithique. Il y a une énorme hétérogénéité. Quand on parle du cinéma, quand on parle de la musique, qu’on parle de la mode, ce sont des mondes tout à fait différents. Même s’ils interagissent, s’il y a une connexion entre ces mondes, ils sont très différents. Et pour pouvoir investir et attirer le secteur privé, il faut connaître en détail ce qui se passe dans ces différents secteurs. Donc, nous avons commencé ce voyage et nous le faisons avec vous. Et nous continuerons à travailler avec des acteurs comme vous pour voir concrètement ce que la SFI peut faire pour apporter des investissements, des capitaux, dans ce secteur. Bien sûr, cela devra être fait de manière à ce que ce soient des investissements rentables, parce que le secteur privé, bien sûr, a besoin d’avoir un retour sur investissement. Tout cela, c’est ce que nous faisons. Ce dialogue, que nous avons aujourd'hui, est une partie importante.

MD : Neila, c’était un plaisir de vous avoir dans notre podcast. Nous allons poursuivre cette conversation au Maroc, quand nous nous rencontrerons pour les Assemblées annuelles de la Banque mondiale, en octobre. Mais entre-temps, nous aurons de nombreuses occasions d'échanger et de faire des progrès sur les investissements et des progrès sur les questions que nous venons de discuter. Ce fut un plaisir de vous avoir dans ce podcast et de discuter de la culture gnaoua, de l’inclusion sociale, du développement territorial, de l’entrepreneuriat, et du rôle du politique dans tout cela. Encore une fois, mille mercis pour votre participation à ce podcast. Merci beaucoup.

NT : Merci Makhtar pour votre invitation.


Makhtar Diop (MD): Hello and welcome to Creative Development with IFC. Today, I have the great pleasure of welcoming Neila Tazi. Neila is a pioneer and an inspiration. We cannot help but admire the trail that she has blazed in Morocco. A woman of conviction, Neila sits in the Moroccan Parliament, in the House of Councilors. She is a businesswoman and runs a large communications agency. A woman of culture, she created the now internationally acclaimed Gnaoua World Music Festival in Essaouira that has, for more than 20 years, celebrated Morocco’s cultural and musical heritage. Neila, it’s a pleasure to have you on the set today and I would like to start by telling you that you are most certainly one of the very few guests on this podcast with a parent who worked for the World Bank. You were born in Washington; tell us how this environment in Washington, this life in a family of practitioners of economic diplomacy has influenced your career?

Neila Tazi (NT): Makhtar, I would like to start by thanking you warmly for this invitation, which has such symbolic significance for me for several reasons—those you have just mentioned and which I will come back to, but also because talking about culture and creative industries today with the World Bank Group and with you who are the embodiment of IFC, is an extremely important opportunity for me to advocate for these subjects. So, the World Bank…it’s a great pleasure for me to be invited as your guest today on this program, because I was born in Washington in the 60s and because in the early ’60s my father worked as an international civil servant at the World Bank, with responsibility for 13 countries. So, a young, highly qualified Moroccan, who was fluent in several languages, decided along with his young wife to move to Washington not long after a number of countries of our region had gained their independence. So, a phase of reconstruction for many countries, and not only in our region, because my father was also responsible for a number of Asian countries, such as Indonesia for example. So, 13 countries, and there we were in Washington, a family,how shall I put this, that was very open to different cultures, very open to the cultures of the world. I was lucky enough to see foreign guests of many different nationalities visiting and staying at my parents' home, both in Washington during the years that I lived there as well as in Morocco. It was a great opportunity, a great openness to diversity, to languages—I am fortunate to speak four languages. And an openness also to the cultures of the world—so, a very open-minded education, very open to the world. My parents lived in Washington for 12 years.

MD: This is very interesting, because you have been exposed to many different world cultures, but you have come back to the Moroccan culture of which you are today one of the great champions. You also did something quite unique: you were one of the first participants in the Rallye des Gazelles. It was something completely unheard of at the time. Tell us a little bit about that.

NT: Yes, so you know Makhtar, when I finished my studies and I launched my business shortly afterwards—I wanted to be an entrepreneur from very early on—I wanted to start a communications agency to work on changing mindsets, to work on major communication projects that would help change the way people perceive the world, and also influence how our country is perceived abroad. And before starting my agency, I participated in a car rally called the Rallye des Gazelles. It is a rally that is organized every year in the desert, in the Moroccan Sahara, in which only women participate. It is a compass-and map-style rally and there are only women - it is reserved exclusively for women. So, I participated in 1991 and I loved the event. And in 1992, I offered to help with the organization of the event to promote the participation of Moroccan women in the rally, so that they too could go and discover the great Moroccan south, so that they could also tell men that they wanted to go for it, that they could do it, and that these are not experiences that are reserved for men only. So, obviously, it is a project that has worked very well and grown a lot. It has now been in existence for over 30 years and has become one of the flagship sporting and media events for Morocco and a major boost for the country’s international profile. It was a very beautiful experience that I would recommend many women to sign up for—besides, it has everything to do with exceeding one’s self-imposed limits. Sporting events of this nature are extremely difficult, and when you get to the finish line, you realize that you are really capable of doing things that you never thought possible.

MD: You really put Gnaoua music and culture on the world map. I personally got to know Gnaoua music through Randy Weston, a jazz musician. And now Gnaoua music has really transcended Morocco’s national borders. A renowned musician such as Marcus Miller used Gnaoua instruments as an introduction in one of his Grammy Award-winning compositions. And I think that demonstrates the power of this music. It has a touch of the mysterious, it’s Sufi, it’s mystical, it’s spiritual, and its origins are still being discussed. Where does the word Gnaoua come from? Delafosse, the historian, has a particular take on the definition of Gnaoua. Elements of Gnaoua culture are found in Tunisia, as well as in Egypt, where it is known as Zār. It is also known as Stambali and Benga. It is called Diwan in different parts of the Maghreb. Tell us a bit about the Gnaoua.

NT: The Gnaoua are the descendants of former slaves. They came originally from Senegal, Niger, Sudan, Guinea. And indeed, Maurice Delafosse has conducted research on this subject and on the colonial era. But, let me tell you, Makhtar, that there really is still a lot of work to be done. And that’s probably what is lacking now. For everything that has to do with Africa’s heritage, its cultural legacy, we need to work alongside the historians and anthropologists to carry out research in Africa, in order to garner more information. Because the Gnaoua people themselves, who are descendants of slaves who arrived in Morocco in the 16th century, settled in different towns across Morocco. And they have their rituals, their therapeutic practices, their trance ceremonies, which are traditions rooted in Sub-Saharan countries and that have been enriched by Muslim, Arab, and Berber influences. In Berber, the word “Gnaoua” means black. But today, even that concept needs to be researched in greater depth. And so, the Gnaoua people settled in Morocco, where they have made progress, and where their culture has now become very popular. Their culture is very popular because it does not fit the mold of any kind of orthodoxy or ideology. It is a popular culture that speaks to the heart of all Moroccans. When we created this festival, we never imagined that it would become such a success with the public. Because after all, we must remember that the Gnaoua were marginalized precisely because of their practices and the mystique that surrounds them. They were marginalized; you would see them mostly on the streets. They would be playing on their instruments, especially the castanets, because the Gnaoua play metal castanets, but also the guembri, which is a three-stringed bass lute, which they play when they have rituals and musical evenings. But in the street, it was mostly the castanets, which are called karkabous. And it was not uncommon for people to simply give some money to these street musicians. This is the image that defined them for too long. The advent of the festival helped change this way of thinking, this perception, helped change this mentality, through all the work that has been put into it and based on the concept behind it and the fact that the project has been staged consistently, year after year. This was our vision from the outset. But the change is also due to the image that the Gnaoua themselves, through their popularity, have brought to the project. I must say that Essaouira, which was a city in great distress, almost a dying city when we created the festival, has experienced a real renaissance. It is a city of 70,000 inhabitants that, at the height of the festival’s success, welcomed 500,000 people over the course of four days. So, you can imagine the power of the public’s response, the economic impact, the media coverage, and what this festival has generated for this community, as well as for our regions in Morocco. Many cities have been inspired by this success, but not only in Morocco; I would even say in Africa and elsewhere in the world.

MD: Let’s go back to Gnaoua music. The first time I heard Gnaoua music, it reminded me of the Whirling Dervishes. There is a bit of what we see in the Whirling Dervishes, this repetitive aspect in the music, with repetitive loops and very interesting and very subtle variations, but which captivate you and transport you into a spiritual dimension, a state of trance that is difficult to put into words. Tell us a little about the maâlem, the master of the guembri. Because not everyone knows this music, and I’m sure our listeners would be very interested to know a little bit about the role of the maâlem, and that of the guembri. Are these the main instruments used in Gnaoua music?

NT: As I said, there is the guembri, which is a three-stringed bass lute that is played by the maâlem. He is the one who plays the guembri and the one who leads the lila. Well, I have to make one thing clear, Makhtar. There are two dimensions to Gnaoua culture. There is the ritual, spiritual dimension, which is reflected in a therapeutic practice called lila—which means night—that begins at sunset and ends at sunrise, and that begins with sacrifices... A sacrifice and then a whole ritual that obeys very precise codes— which I invite listeners to discover in a number of publications or documentaries that are online—because it is an entire ritual that continues throughout the night with trance practices. And people who believe in it attest to the fact that there are healing powers in these trance rituals, that exist not only in Gnaoua music but also in other similar types of music that have the same origin as the Gnaouas. There is the other component, which is the purely musical component, the musical repertoire that has particularly interested and captivated us throughout these 25 years of the festival. Why? Because it is a trance music, it is a music whose rhythm fascinates artistes and musicians around the world, as well as the general public, who find themselves being totally carried away by this music, without even understanding the meaning of its lyrics. It’s the rhythm, it’s the music and it’s the ability that the Gnaouas have to blend with other types of music in the world; that is what makes people feel caught up in a trance. And we were particularly interested in this musical dimension, because of the popular success I was talking about earlier. It meant that we also had to respond to very strong demand from the Moroccan public, as well as from the many international visitors who would come to listen to Gnaoua music in a big concert setting, where they could get to know this genre, while also discovering some exceptional fusion music. Because that’s also why Randy Weston became interested in this music. Indeed, he was one of the pioneers when it came to introducing African music to the rest of the world. This genre speaks to all types of music. We have fusions with artistes from various genres, including jazz, blues, Cuban Santeria, Brazilian Candomblé. We’ve done so many things and created so many fusions; we have taken artistic risks in this festival; but it’s always pretty impressive because people do respond, and the magic happens every time. The capacity for dialogue through music is quite fascinating, and this is something that musicians talk about all the time. Because the musicians we invite do indeed come, and they always want to come back. I am talking about foreign musicians, who come to create fusion music with the Gnaoua. And I think that it is this strength, it is this spirituality that is more important than any other factor, because it generates a dialogue of cultures and a dialogue of hearts, really.

MD: What you have achieved is quite special. You have used your talent as an entrepreneur because staging a festival is not an easy task. It’s complicated; it’s an economic activity. You have successfully staged a festival thanks to your entrepreneurial skills and to your stature as a female politician, as a woman who sits in Parliament, who sits in the Senate to elevate this culture, to a certain extent, to the center of Morocco’s cultural policy, and you have also succeeded in creating the bridges needed to connect different cultures. Now, let's talk a little bit about the entrepreneurial aspect and the elements involved in the creation of a festival, one that has managed to survive over all these years and to keep going, which is not at all easy from a financial and economic point of view. How do you see this cultural industry and this festival, in general?

NT: Thank you for this question, because it is at the heart of my journey and my political commitment. It is even what led me into politics. Why Makhtar? I will explain. When I created this festival, I created it as a privately owned company. I have a communications agency. I think that cultural events and culture, in general, have a real capacity to raise the profile of our regions, while also creating jobs for young people and generating wealth in our prefectures and provinces. And to show that this was possible, we had to actually do it. Because at the beginning, when we started this project—it must be remembered first of all that it was a minority culture that we wanted to protect and project in a rather distressed region of the country. So, the most favorable economic conditions were not actually in place, but we had a project and a plan­—and we still do— that is very relevant. Namely, to relay a narrative, to chronicle a story of a minority that embodies a popular culture, and that embodies the African foundation of Morocco. Let me remind you that our country is the gateway to Africa and that it plays a very important role in Africa. But at the time, I would say that we were much more focused on our Arab, Western cultures, and more interested in the great schools that were attended by our elites. And the very act of turning our gaze toward our African roots and asserting our African heritage has allowed us, through the vehicle of culture, to open our horizons to the entire spectrum of our national heritage and identity. Being a private company has not made things easier because culture has long been considered by our political and economic leaders as a social sector, therefore a subsidized sector. A sector that does not serve much purpose, other than to be subsidized to help artistes, merely because of the perception that culture must have its place, it must exist. And in recent years, we have become increasingly aware of the critical need for our region of the world to protect its heritage, to transform it into a capital asset. And that this heritage and creativity, I would say, are essential for the building of our nations, for the development of our youth. So, why was it hard to pursue this project as a privately owned company? I come back to it all the time. Because it didn’t fit the vision that the vast majority of officials had, their vision of what culture should be namely, a real sector that should be managed very professionally, in a very structured way, with resources, skills, with a vision, with planning—and all this if we want of course to have high quality projects that will allow us to enhance our profile and outreach around the world as well as to raise the performance standards of all our professionals in the field of culture, while also promoting greater efficiency and quality. This is what we really need. So, as a company, we had to advocate for this issue and to really fight for it. And it has not been easy. But I find it quite striking that it is all coming together now, because our young people who find themselves drawn—and rightly so—to these kinds of professions, need a well-structured, organized sector in which to operate. And in our part of the world, we need to create jobs for young people. This is one of our great challenges, and culture and the creative industries can serve as a starting point as we respond to this challenge.

MD: Absolutely, I totally agree with you, and that’s why we’re having this dialogue, to try to see how IFC can contribute to that. But what I wanted to highlight most of all is that you have, through private sector intervention, contributed to social inclusion. You spoke about a group, a minority, that was not at the forefront of what is viewed as Moroccan identity. You succeeded in bringing this minority group into full view as presenting it as a contributing member of society. You selected people who used their art to make a living, but were doing so in a way that wasn’t giving them the dignity to which they aspire. So you transformed street artists who used to receive coins from passers-by into artists who... I don’t want to use the word... into internationally recognized artists. You selected a region in southern Morocco with the aim of achieving territorial development; a region that was not necessarily poised to achieve a certain level of growth. You managed to do this and have successfully demonstrated that art was a key tool for achieving these objectives that are generally part of the major development plans of countries but are not necessarily related to art or, at least, not perceived as being related to art. Now, if we wanted to take this initiative, this idea, this concept, a little further to allow art to make a greater contribution to economic development, what suggestions would you make? What do you say when you go to Parliament or the Senate to talk about cultural industries, about creative industries? What do you tell them?

NT: You know, we are fortunate to have a Senate with a very interesting composition, as we have representatives from professional chambers, the private sector, the unions, and local and regional governments. So now, when it comes to advanced regionalization, each territory in Morocco is trying to work on these specificities. And one of the things that I am trying to advocate for is the importance of making culture a key priority in the development plans for the regions. Because each region has cultural specificities that it can draw on to either strengthen its identity and territorial brand, or to attract tourists and tell a story that is both meaningful and profound. Because today we know that in Morocco for example, 60 percent of our tourists come for a cultural experience. So we now need to be able to acknowledge how significant these figures are and improve and structure our cultural offerings. We also know that culture enhances the experience of a place. When you go somewhere, you want to immerse yourself in the identity of this place, its people, its practices, its customs, its music. And I never tire of repeating this in Parliament. And to get to that point, we must have the “big picture” of what is needed. So, in addition to the resources, the convergence that is key to Morocco’s current government strategy, this requires consultation, convergence, and innovation. We now need to have the courage to adapt the tax system for the culture sector, to adapt our legislation for the culture sector. We have laws in place that need to be updated. You know, Morocco’s culture has really taken off, and this happened very quickly. Legislation has not kept pace with the private sector. I am privileged to represent the private sector in our Senate. I am also the Chair of the Committee on Foreign Affairs, National Defense, and Moroccans Living Abroad. And I should also note that culture is a core component of our soft power, our diplomacy. And we already know this. Morocco is doing a lot in terms of its cultural diplomacy, but we can do even more if there are synergies and if there is greater cooperation. That is what I also advocate for in the committee that I chair in Parliament. So that’s the legislative, tax, diplomatic dimension, and there are many other things of course... I won’t mention them all, but I would say that in the House of Councilors, I am, to a small or even a great extent, the standard-bearer of the cultural and creative industries, because I am also fortunate to serve as Chair of the Federation of Cultural and Creative Industries, and to therefore have the opportunity to advocate for a modern, structured, ambitious vision of the sector. Because, as I said earlier, our politicians are too often under the impression that culture is a social sector. And the challenge today is to change these mindsets and make people understand that culture is an economic issue; it is a sustainable development issue.

MD: Many thanks. We are quite interested in supporting you in this effort. This is a sector that we at IFC are discovering because it is a sector that requires very specific skills and is quite specialized. When we talk about these creative industries, from the outside they appear to be monolithic. But there is tremendous variety. When we talk about filmmaking, when we talk about music, when we talk about fashion, these are completely different worlds. Even if they interact, if there is a connection between these worlds, they are very different. And in order to be able to make investments and attract the private sector, we need to have detailed knowledge of what is happening in these different sectors. So we have embarked on this journey and we are making it with you, and we will continue to work with stakeholders like you to clearly see what IFC can do to bring investments, capital, to this sector. Of course, this will have to be done in a way that ensures that these investments will be profitable, because the private sector, of course, needs to have a return on investment. We are doing all that. This dialogue that we are having today is an important aspect.

MD: Neila, it was a pleasure to have you on our podcast. We will continue this conversation in Morocco when we meet for the World Bank’s Annual Meetings in October. But in the meantime, we will have many opportunities to exchange views and move forward on investments and on the issues that we have just discussed. It was a pleasure to have you on this podcast and to talk about the Gnaoua culture, social inclusion, territorial development, entrepreneurship, and the role of politics in all that. Once again, thanks a million for participating in this podcast. Many thanks.

NT: Thank you Makhtar for your invitation.


MD : مرحبا بكم في التنمية الإبداعية مع مؤسسة التمويل الدولية. واليوم، يسعدني أن أرحب بنيلا التازي. نيلا هي رائدة وملهمة. ولا يسعنا إلا أن نعجب بالمسار الذي فجّرته في المغرب. ونيلا، وهي امرأة قادرة على الإقناع، تشغل مقعدا في البرلمان المغربي، في مجلس المستشارين. وهي سيدة أعمال تدير وكالة اتصالات ضخمة. وتتميز نيلا بثقافتها الواسعة، ولذلك فقد أنشأت مهرجان "غناوة" العالمي للموسيقى المشهود له عالميا في عيسورة والذي يحتفل منذ أكثر من 20 عاما بالتراث الثقافي والموسيقي في المغرب. نيلا، إنه لمن دواعي سروري أن أستضيفك اليوم، وأود أن أبدأ بإخبارك بأنك بالتأكيد أحد الضيوف القلائل على هذه المدونة الصوتية (بودكاست) لديه أحد الوالدين الذي كان يعمل في البنك الدولي. لقد ولدت في واشنطن، فأخبرينا كيف أثرت هذه البيئة في واشنطن، هذه الحياة في أسرة من الممارسين للدبلوماسية الاقتصادية، على حياتك المهنية؟

نيلا: مختار، أود أن أبدأ بتوجيه الشكر الحار لكم على هذه الدعوة، التي لها أهمية رمزية لي لعدة أسباب - تلك التي ذكرتها للتو والتي سأعود إليها، ولكن أيضا لأن الحديث عن الثقافة والصناعات الإبداعية اليوم مع مجموعة البنك الدولي ومعكم الذين تمثلون مؤسسة التمويل الدولية، فرصة بالغة الأهمية لي كي أدعو إلى هذه المواضيع. لذا، البنك الدولي... إنه لمن دواعي سروري البالغ أن تتم دعوتي اليوم كضيفة في هذا البرنامج، لأنني ولدت في واشنطن في الستينيات، ولأن والدي عمل في أوائل الستينيات موظفا مدنيا دوليا في البنك الدولي، مسؤولا عن 13 بلدا. إذ قرر شاب مغربي ذو مؤهلات عالية، كان يجيد عدة لغات، مع زوجته الشابة، الانتقال إلى واشنطن بعد وقت ليس ببعيد من حصول عدد من بلدان منطقتنا على الاستقلال. وهكذا، فإنها كانت مرحلة إعادة الإعمار بالنسبة للعديد من البلدان، وليس فقط في منطقتنا، لأن والدي كان مسؤولا أيضا عن عدد من البلدان الآسيوية، مثل إندونيسيا على سبيل المثال. كان عددها 13 بلدا، وكنا عائلة في واشنطن،

كيف أقول هذا، كنت منفتحة للغاية على ثقافات مختلفة، منفتحة للغاية على ثقافات العالم. لقد كنت محظوظة بما يكفي لرؤية ضيوف أجانب من جنسيات مختلفة عديدة يزورون منزل والدي ويقيمون فيه، سواء في واشنطن خلال السنوات التي عشتها هناك وكذلك في المغرب. كانت فرصة عظيمة، وانفتاحا كبيرا على التنوع، على اللغات - أنا محظوظة للتحدث بأربع لغات. والانفتاح أيضا على ثقافات العالم - حيث كان تعليما متفتح العقلية، ومنفتحا جدا على العالم. وقد عاش والداي في واشنطن لمدة 12 عاما.

MD: هذا أمر مثير جدا للاهتمام، لأنك تعرضت للعديد من ثقافات العالم المختلفة، لكنك عدت إلى الثقافة المغربية التي أصبحت اليوم أحد أبطالها العظام. كما فعلت شيئا فريدا جدا: كنت واحدة من أوائل المشاركين في رالي دي جازيل. كان شيئا لم يسمع به أحد في ذلك الوقت. أخبرينا قليلا عنه.

نيلا: نعم، أنت تعرف مختار، عندما أنهيت دراستي وبدأت نشاطي التجاري بعد ذلك بوقت قصير - أردت أن أكون رائدة أعمال منذ وقت مبكر جدا - أردت أن أبدأ هيئة اتصالات للعمل على تغيير أنماط التفكير، والعمل في مشروعات الاتصالات الرئيسية التي من شأنها أن تساعد على تغيير الطريقة التي ينظر بها الناس إلى العالم، وتؤثر أيضا في كيفية النظر إلى بلدنا في الخارج. وقبل أن أبدأ وكالتي، شاركت في سباق سيارات يسمى رالي دي جازيل. وهو تجمع ينظم كل عام في الصحراء، في صحراء المغرب، حيث تشارك فيه النساء فقط. إنه تجمع على غرار البوصلة والخريطة، ولا يوجد سوى النساء - وهو يقتصر على النساء. فشاركت فيه عام 1991 وأحببت تلك الفعالية. وفي عام 1992، عرضت المساعدة في تنظيم هذا الحدث لتشجيع المرأة المغربية على المشاركة في السباق، كي تتمكن هي أيضا من الذهاب واكتشاف الجنوب المغربي الكبير، وكي يمكنها أيضا أن تخبر الرجال أنهم يريدون الذهاب إليه، وأنهم يستطيعون القيام بذلك، وأن هذه ليست تجارب مخصصة للرجال فقط. ومن الواضح أنه مشروع نجح بشكل جيد جدا ونما كثيرا. وهو قائم الآن لمدة تزيد عن 30 عاما وأصبح واحدا من الأحداث الرياضية والإعلامية الرئيسية للمغرب، وعامل تعزيز قويا لوضع المغرب في الخارج. كانت تجربة جميلة جدا أوصي العديد من النساء بالتسجيل فيها - بالإضافة إلى أن لها كل ما يتعلق بتجاوز الحدود المفروضة ذاتيا. فالأحداث الرياضية من هذا النوع صعبة للغاية، وعندما تصل إلى خط النهاية، تدرك أنك قادر حقا على فعل أشياء لم تكن تعتقدها أبدا ممكنة.

MD: أنت حقا وضعت حدث "غناوة" الموسيقي والثقافي على خريطة العالم. أنا شخصيا تعرفت على موسيقى غناوة من خلال راندي ويستون، وهو عازف لموسيقى الجاز. والآن تجاوز حفل غناوة الموسيقي الحدود الوطنية للمغرب. وقد استخدم موسيقي مشهور مثل ماركوس ميلر أدوات غناوة كمقدمة في أحد مؤلفاته الحائزة على جائزة جرامي. وأعتقد أن هذا يدل على قوة هذه الموسيقى. لديها لمسة غامضة، إنها صوفية، إنها روحية، وأصولها لا تزال قيد المناقشة. من أين تأتي كلمة "غناوة"؟ ديلافوس، المؤرخ، لديه نظرة خاصة على تعريف غناوة. توجد عناصر ثقافة غناوة في تونس، وكذلك في مصر، حيث تعرف باسم الزار. ويعرف أيضا باسم ستامبالي وبنجا. ويسمى ديوان في مناطق مختلفة من المغرب العربي. أخبرينا قليلا عن غناوة.

نيلا: غناوة هم أحفاد العبيد في الماضي. جاءوا أصلا من السنغال والنيجر والسودان وغينيا. والواقع أن موريس ديلافوس أجرى بحوثا حول هذا الموضوع وعن الحقبة الاستعمارية. ولكن، اسمحوا لي أن أقول لك، يا مختار، أنه لا يزال هناك الكثير من العمل الذي يتعين القيام به. وهذا هو ربما ما نحتاجه الآن. فلكل ما له علاقة بتراث أفريقيا، وإرثها الثقافي، نحتاج إلى العمل جنبا إلى جنب مع المؤرخين وعلماء الأنثروبولوجيا لإجراء البحوث في أفريقيا، من أجل الحصول على مزيد من المعلومات. لأن أهل غناوة أنفسهم، الذين هم أحفاد العبيد الذين وصلوا إلى المغرب في القرن السادس عشر، استقروا في مدن مختلفة في مختلف أنحاء المغرب. ولهم طقوسهم وممارساتهم العلاجية ومراسم غيبية، وهي تقاليد متجذرة في بلدان أفريقيا جنوب الصحراء وقد أثرتها تأثيرات مسلمة وعربية وبربرية. ففي اللغة البربرية، كلمة "غناوة" تعني الأسود. ولكن اليوم، حتى هذا المفهوم يحتاج إلى بحث أعمق. وهكذا، استقر أهل غناوة في المغرب، حيث حققوا تقدما، وحيث أصبحت ثقافتهم الآن شعبية للغاية. وثقافتهم تحظى بشعبية كبيرة لأنها لا تناسب قالب أي نوع من المعتقد أو الأيديولوجية. إنها ثقافة شعبية تتحدث إلى قلب كل المغاربة. عندما أنشأنا هذا المهرجان، لم نتخيل أبدا أنه سيحقق هذا النجاح مع الجمهور. لأنه في نهاية الأمر، يجب أن نتذكر أن أهل غناوة قد تم تهميشهم بسبب ممارساتهم والغموض الذي يحيط بهم. كانوا مهمشين؛ كنت تراهم في الغالب في الشوارع. كانوا يلعبون على آلاتهم، وخاصة الكاستانيات، لأن موسيقيي غناوة يلعبون على كاستانيات معدنية، ولكن أيضا جومبري، وهو عود ثلاثي الخيوط، يلعبون عليه عندما يكون لديهم طقوس وأمسيات موسيقية. لكن في الشارع، كان في الغالب الكاستانيات، والتي تسمى الكركابوس. وكان من المعتاد أن يقدم الناس ببساطة نقودا لموسيقيي الشوارع هؤلاء. هذه هي الصورة المرسومة لهم منذ فترة طويلة جدا. وساعد ظهور المهرجان على تغيير هذا الأسلوب في التفكير، وهذا التصور، وساعد على تغيير هذه العقلية، من خلال كل العمل الذي تم وضعه فيه واستنادا إلى المفهوم الكامن وراءه، وحقيقة أن المشروع قد تم تنظيمه باستمرار، عاما بعد عام. كانت هذه هي رؤيتنا منذ البداية. لكن التغيير يرجع أيضا إلى الصورة التي جلبها أهل غناوة أنفسهم، من خلال شعبيتهم، إلى المشروع. ولا بد لي من القول إن عسويرة، التي كانت مدينة في حالة عسر شديد، وتكاد تموت عندما أنشأنا المهرجان، شهدت نهضة حقيقية. وهي مدينة يبلغ عدد سكانها 70 ألف نسمة، وقد استضافت في ذروة نجاح المهرجان 500 ألف شخص على مدى أربعة أيام. لذلك، يمكنك أن تتخيل قوة استجابة الجمهور، والأثر الاقتصادي، والتغطية الإعلامية، وما حققه هذا المهرجان لهذا المجتمع، وكذلك لمناطقنا في المغرب. وقد استلهم الكثير من المدن هذا النجاح، ولكن ليس في المغرب فحسب، بل أود أن أقول في أفريقيا وفي أماكن أخرى من العالم.

MD: دعونا نعود إلى موسيقى غناوة. في المرة الأولى التي سمعت فيها موسيقى (غناوة) ذكرتني بالدراويش الذين يرقصون الدوارة. هناك بعض ما نراه في رقص الدراويش في الدوارة، هذا الجانب المتكرر في الموسيقى، مع حلقات متكررة والاختلافات مثيرة جدا للاهتمام ودقيقة جدا، ولكن الذي يأسرك وينقلك إلى بعد روحي، حالة من الغيبة التي يصعب وضعها في الكلمات. أخبرينا قليلا عن المعلم، سيد (الجومبري). لأن الجميع لا يعرفون هذه الموسيقى، وأنا متأكد من أن مستمعينا سيكونون مهتمين جدا بمعرفة القليل عن دور المعلم، ودور الجومبري. هل هذه هي الأدوات الرئيسية المستخدمة في موسيقى غناوة؟

نيلا: كما قلت ، هناك جومبري، وهو عود باس ثلاثي الخيوط يلعب عليه المعلم. هو من يلعب دور (الجومبري ) والذي يقود (الليلى). حسنا، يجب أن أوضح شيئا واحدا، مختار. هناك بُعدان لثقافة غناوة. هناك البعد الطقسي والروحي، الذي ينعكس في الممارسة العلاجية المسماة الليلى -تعني الليل- التي تبدأ عند غروب الشمس وتنتهي عند شروق الشمس، والتي تبدأ بالتضحيات... تضحية ثم طقس كامل يطيع رموزا دقيقة للغاية -أدعو المستمعين إلى اكتشافها في عدد من المطبوعات أو الأفلام الوثائقية على الإنترنت-لأنها طقوس كاملة تستمر طوال الليل مع ممارسات الغيبية. والناس الذين يؤمنون بها يشهدون على حقيقة أن هناك قوى الشفاء في طقوس الغيبية هذه، التي لا توجد في موسيقى غناوة فحسب ولكن أيضا في أنواع مماثلة أخرى من الموسيقى التي لها نفس الأصل مثل غناوة. هناك المكون الآخر، وهو المكون الموسيقي البحت، ومرجع الموسيقى الذي يهتم بشكل خاص ويأسرنا طوال هذه السنوات الخمس والعشرين من سنوات المهرجان. الأسباب! لأنها موسيقى غيبية، فهي موسيقى يبهر إيقاعها الفنانين والموسيقيين في جميع أنحاء العالم، فضلا عن عامة الناس، الذين يجدون أنفسهم منتزعين تماما من هذه الموسيقى، دون أن يفهموا حتى معنى كلماتها. إنها الإيقاع، إنها الموسيقى وإنها القدرة التي تمزج غناوة بها أنواعا أخرى من الموسيقى في العالم؛ وهذا هو ما يجعل الناس يشعرون بأنهم عالقون في غيبة. وكنا مهتمين بشكل خاص بهذا البعد الموسيقي، بسبب النجاح الشعبي الذي كنت أتحدث عنه سابقا. وهذا يعني أننا اضطررنا أيضا إلى الاستجابة لطلب قوي جدا من الجمهور المغربي، وكذلك من العديد من الزوار الدوليين الذين سيأتون للاستماع إلى موسيقى غناوة في أجواء موسيقية كبيرة، حيث يمكنهم التعرف على هذا النوع، مع اكتشاف بعض الموسيقى الاندماجية الاستثنائية. لأن هذا هو السبب أيضا أن راندي ويستون أصبح مهتما بهذه الموسيقى. في الواقع، كان واحدا من الرواد عندما يتعلق الأمر بتقديم الموسيقى الأفريقية إلى بقية العالم. هذا النوع يتحدث إلى جميع أنواع الموسيقى. لدينا الانصهار مع الفنانين من مختلف الأنواع، بما في ذلك الجاز، البلوز، سانتريا الكوبية، كاندومبلي البرازيلي. لقد فعلنا الكثير من الأشياء وخلقنا الكثير من الانصهارات. لقد تحملنا مخاطر فنية في هذا المهرجان؛ لكنه مثير للإعجاب دائما لأن الناس يستجيبون، والسحر يحدث في كل مرة. إن القدرة على الحوار من خلال الموسيقى رائعة جدا، وهذا شيء يتحدث عنه الموسيقيون طوال الوقت. لأن الموسيقيين الذين ندعوهم يأتون بالفعل، وهم دائما يريدون العودة. أنا أتحدث عن الموسيقيين الأجانب الذين يأتون لخلق موسيقى الاندماج مع غناوة. وأعتقد أن هذه القوة، هذه الروحانية، هي الأكثر أهمية من أي عامل آخر، لأنها تولد حوارا بين الثقافات وحوار القلوب، حقا.

MD: ما حققته هو إنجاز رائع جدا. لقد استخدمت موهبتك كرائدة أعمال لأن تنظيم مهرجان ليس بالمهمة السهلة. إنه معقد، إنه نشاط اقتصادي. لقد نجحت في تنظيم مهرجان بفضل مهاراتك في ريادة الأعمال ومكانتك كسياسية، وكامرأة في البرلمان، وفي مجلس الشيوخ، للارتقاء بهذه الثقافة، إلى حد ما، إلى مركز السياسة الثقافية للمغرب، ونجحت أيضا في إنشاء الجسور اللازمة لربط مختلف الثقافات. والآن، دعونا نتحدث قليلا عن جانب ريادة الأعمال والعناصر المشاركة في إنشاء مهرجان، وهو المهرجان الذي نجح في البقاء على قيد الحياة طوال هذه السنوات والاستمرار، وهو أمر ليس سهلا على الإطلاق من وجهة النظر المالية والاقتصادية. كيف ترين هذه الصناعة الثقافية وهذا المهرجان بشكل عام؟

نيلا: شكرا لك على هذا السؤال، لأنه في صميم رحلتي والتزامي السياسي. بل إن هذا حتى هو ما دفعني إلى السياسة. لماذا يا مختار؟ سأشرح لك. عندما أنشأت هذا المهرجان، أنشأته كشركة مملوكة ملكية خاصة. ولدي وكالة اتصالات. وأعتقد أن المناسبات والثقافة الثقافية، بصفة عامة، لديها قدرة حقيقية على رفع مستوى مناطقنا، وفي الوقت نفسه خلق فرص عمل للشباب وتوليد الثروة في مقاطعاتنا ومحافظاتنا. ولبيان أن هذا كان ممكنا، كان علينا أن نفعل ذلك على أرض الواقع. لأنه في البداية، عندما بدأنا هذا المشروع -يجب أن نتذكر أولا أنها ثقافة أقلية التي أردنا أن نحميها ومشروع في منطقة من البلاد تعيش في ضنك نوعا ما. ولذلك، فإن الظروف الاقتصادية الأكثر ملاءمة لم تكن موجودة بالفعل، ولكن كان لدينا مشروع وخطة -وما زالا لدينا- وهذا أمر مهم للغاية. وهو نقل سردية ما، ونسجل قصة أقلية تجسد ثقافة شعبية، وتجسد الأساس الأفريقي للمغرب. اسمحوا لي أن أذكركم بأن بلدنا هو البوابة إلى أفريقيا وأنه يلعب دورا بالغ الأهمية في أفريقيا. ولكن في ذلك الوقت، أود أن أقول إننا كنا أكثر تركيزا على ثقافاتنا العربية والغربية، وأكثر اهتماما بالمدارس العظيمة التي حضرتها نخبنا. ومكننا العمل الذي قمنا به من تحويل بصرنا نحو جذورنا الأفريقية والتأكيد على تراثنا الأفريقي، من خلال أداة الثقافة، ومن فتح آفاقنا أمام جميع أشكال تراثنا وهويتنا الوطنية. إن كوننا شركة خاصة لم يسهل الأمور لأن الثقافة طالما اعتبرها قادتنا السياسيون والاقتصاديون قطاعا اجتماعيا، وبالتالي قطاعا مدعوما. قطاع

لا يخدم غرضا كبيرا، غير أن يكون مدعوما لمساعدة الفنانين، فقط بسبب التصور بأن الثقافة يجب أن يكون لها مكانها، يجب أن يكون لها وجود. وفي السنوات الأخيرة، أصبحنا على وعي متزايد بالحاجة الماسة لمنطقتنا في العالم لحماية تراثها وتحويله إلى أصول رأسمالية. وأقول إن هذا التراث والإبداع ضروريان لبناء أممنا، ولتنمية شبابنا. فلماذا كان من الصعب متابعة هذا المشروع كشركة مملوكة ملكية خاصة؟ سأعود إليه طوال الوقت. ولأنه لا يتناسب مع الرؤية التي كانت لدى الغالبية العظمى من المسؤولين، فإن رؤيتهم لما ينبغي أن تكون عليه الثقافة، وهو قطاع حقيقي ينبغي إدارته بطريقة مهنية للغاية، وبطريقة منظمة للغاية، بموارد ومهارات ورؤية وتخطيط -وكل هذا إذا أردنا بالطبع أن تكون لدينا مشروعات عالية الجودة ستمكننا من تعزيز صورتنا وتوعيتنا في جميع أنحاء العالم، فضلا عن رفع مستوى معايير الأداء لجميع المهنيين في مجال الثقافة، مع التشجيع في الوقت نفسه على زيادة الكفاءة والجودة. وهذا هو ما نحتاجه في الواقع. لذلك، كشركة، كان علينا أن ندافع عن هذه القضية ونناضل حقا من أجلها. ولم يكن الأمر سهلا. لكنني أجد أنه من اللافت للنظر أن كل هذا يأتي معا الآن، لأن شبابنا الذين يجدون أنفسهم منجذبين -وعن حق-إلى هذه الأنواع من المهن، يحتاجون إلى قطاع جيد التنظيم يعملون فيه. وفي منطقتنا من العالم، نحتاج إلى خلق فرص عمل للشباب. وهذا أحد التحديات الكبيرة التي نواجهها، ويمكن أن تكون الثقافة والصناعات الإبداعية نقطة انطلاق ونحن نتصدى لهذا التحدي.

MD: بالتأكيد، أنا أتفق معك تماما، ولهذا السبب نخوض هذا الحوار، لمحاولة معرفة كيف يمكن لمؤسسة التمويل الدولية المساهمة في ذلك. لكن ما أردت تسليط الضوء عليه في معظمه هو أنكم أسهمتم، من خلال تدخلات القطاع الخاص، في الشمول الاجتماعي. تحدثتم عن مجموعة، أقلية، لم تكن في طليعة ما يعتبر هوية مغربية. لقد نجحتم في جعل هذه المجموعة من الأقلية يُنظر إليها على أنها عضو مساهم في المجتمع. لقد اخترت أشخاصا كانوا يستخدمون فنهم لكسب العيش، لكنهم كانوا يفعلون ذلك بطريقة لا تمنحهم الكرامة التي يتطلعون إليها. لذا حولت فناني الشوارع الذين كانوا يتلقون القطع النقدية من المارة إلى فنانين... لا أريد أن أستخدم هذه الكلمة... إلى فنانين معترف بهم دوليا. لقد اخترت منطقة في جنوب المغرب بهدف تحقيق التنمية الإقليمية. منطقة لم تكن بالضرورة مستعدة لتحقيق مستوى معين من النمو. وقد تمكنتوا من القيام بذلك، ونجحتم في إثبات أن الفن أداة رئيسية لتحقيق هذه الأهداف التي تشكل عموما جزءا من خطط التنمية الرئيسية للبلدان ولكنها لا ترتبط بالضرورة بالفن أو، على الأقل، لا ينظر إليها على أنها مرتبطة بالفنون. الآن، إذا أردنا أن نأخذ هذه المبادرة، هذه الفكرة، هذا المفهوم، أكثر قليلا للسماح للفن بتقديم مساهمة أكبر في التنمية الاقتصادية، ما هي الاقتراحات التي ستقدمونها؟ ماذا تقولين عندما تذهبين إلى البرلمان أو مجلس الشيوخ للتحدث عن الصناعات الثقافية، وعن الصناعات الإبداعية؟ ماذا تقولين لهم؟

نيلا: كما تعلم، نحن محظوظون لأن لدينا مجلس شيوخ له تشكيل مثير جدا للاهتمام، حيث أن لدينا ممثلين من الغرف المهنية، والقطاع الخاص، والنقابات، والحكومات المحلية والإقليمية. والآن، عندما يتعلق الأمر بالجهوية المتقدمة، فإن كل إقليم في المغرب يحاول العمل على هذه الخصوصيات. وأحد الأشياء التي أحاول أن أدافع عنها هو أهمية جعل الثقافة أولوية رئيسية في خطط التنمية للمنطقة. لأن لكل منطقة خصائص ثقافية يمكن أن تعتمد عليها إما لتعزيز هويتها وسمتها التجارية الإقليمية، أو لجذب السياح وسرد قصة ذات مغزى وعمق على حد سواء. لأننا نعلم اليوم أن 60 في المائة من سياحنا في المغرب، على سبيل المثال، يأتون لتجربة ثقافية. لذلك نحتاج الآن إلى أن نكون قادرين على معرفة مدى أهمية هذه الأرقام وتحسين وهيكلة عروضنا الثقافية. ونعلم أيضا أن الثقافة تعزز تجربة المكان. عندما تذهب إلى مكان ما، تريد أن تزج نفسك في هوية هذا المكان، شعبه، ممارساته، عاداته، موسيقاه. وأنا لا أتعب أبدا من تكرار هذا في البرلمان. وللوصول إلى هذه النقطة، يجب أن تكون لدينا "الصورة الكبيرة" لما هو مطلوب. ولذلك، فبالإضافة إلى الموارد، فإن التقارب الذي يمثل عنصرا أساسيا في إستراتيجية الحكومة الحالية في المغرب يتطلب التشاور والتقارب والابتكار. نحتاج الآن إلى التحلي بالشجاعة لتكييف النظام الضريبي مع قطاع الثقافة، لتكييف تشريعاتنا مع قطاع الثقافة. ولدينا قوانين يجب تحديثها. تعرف أن الثقافة المغربية قد انطلقت بالفعل، وحدث هذا بسرعة كبيرة. ولم تواكب التشريعات القطاع الخاص. ويشرفني أن أمثلالقطاع الخاص في مجلس الشيوخ. وأنا أيضا رئيس لجنة الشؤون الخارجية والدفاع الوطني والمغاربة الذين يعيشون في الخارج. وينبغي أن أشير أيضا إلى أن الثقافة عنصر أساسي في قوتنا الناعمة، وهي دبلوماسيتنا. ونحن نعرف ذلك بالفعل. فالمغرب يفعل الكثير من حيث دبلوماسيته الثقافية، ولكن يمكننا أن نفعل المزيد إذا كانت هناك أوجه تآزر وإذا كان هناك تعاون أكبر. هذا ما أدافع عنة أيضا في اللجنة التي أرأسها في البرلمان. إذن هذا هو البعد التشريعي والضريبي والدبلوماسي، وهناك أشياء أخرى كثيرة بالطبع... لن أذكرها جميعا، لكنني أود أن أقول إنني في مجلس المستشارين، إلى حد صغير أو حتى إلى حد كبير، حامل معايير الصناعات الثقافية والإبداعية، لأنني محظوظة أيضا لأنني أعمل رئيسا لاتحاد الصناعات الثقافية والإبداعية، ومن ثم تتاح لي الفرصة للدعوة إلى إقامة الصناعات الحديثة، ويكون لدي رؤية منظمة وطموحة للقطاع. لأن سياسيينا، كما قلت سابقا، غالبا ما يكون لديهم انطباع بأن الثقافة قطاع اجتماعي. والتحدي الذي يواجهنا اليوم هو تغيير هذه الأنماط الفكرية وجعل الناس يفهمون أن الثقافة قضية اقتصادية، بل هي قضية تنمية مستدامة.

MD: شكرًا جزيلاً. ونحن مهتمون جدا بدعمكم في هذا الجهد. وهذا قطاع تكتشفه مؤسسة التمويل الدولية لأنه قطاع يتطلب مهارات محددة للغاية ومتخصصا للغاية. عندما نتحدث عن هذه الصناعات الإبداعية، من الخارج يبدو أنها أحادية. لكن هناك تنوعا هائلا. عندما نتحدث عن صناعة الأفلام، وعندما نتحدث عن الموسيقى، وعندما نتحدث عن الموضة، فإن هذه العوالم مختلفة تماما. وحتى إذا تفاعلوا، إذا كانت هناك صلة بين هذه العوالم، فإنهم مختلفون جدا. ولكي نتمكن من ضخ استثمارات واجتذاب القطاع الخاص، نحتاج إلى معرفة تفصيلية بما يحدث في هذه القطاعات المختلفة. ولذا، فقد شرعنا في هذه الرحلة ونقوم بها معكم، وسنواصل العمل مع أصحاب المصلحة المباشرة أمثالكم لمعرفة ما يمكن لمؤسسة التمويل الدولية القيام به لجلب الاستثمارات ورأس المال إلى هذا القطاع. وبطبيعة الحال، سيتعين القيام بذلك بطريقة تضمن أن تكون هذه الاستثمارات مربحة، لأن القطاع الخاص يحتاج بطبيعة الحال إلى تحقيق عائد على الاستثمار. ونحن نفعل كل ذلك. وهذا الحوار الذي نخوضه اليوم جانب مهم. سأنتهي بسؤال أخير واحد حول موضوع المحتوى. وبسبب الرقمنة، سيكون لدينا عدد متزايد من "مراكز البيانات" في البلدان. سيكون لدينا الموسيقى التي سيتم توفيرها على الانترنت. وتتوسع الصناعات السينمائية في المغرب وتتجاوز حدوده الوطنية. وعندما نتحدث إلى أطراف فاعلة من البلدان الأفريقية، من أقل البلدان نموا، فإنها تتحدث إلينا عن المحتوى. وهناك حاجة إلى المحتوى المتاح، وينبغي ألا تكون البلدان الأقل نموا مستوردة للمحتوى فحسب، بل يجب أن تكون قادرة أيضا على تصدير المحتوى. أنا أفهم أن المغرب... ومن المقرر ضخ استثمارات كبيرة في القطاع الخاص لصناعة الأفلام في المغرب من أجل تصوير المزيد من الأفلام في المغرب، واستخدام المناظر الطبيعية الجميلة في المغرب والجهات الفاعلة الماهرة في المغرب، وذلك على وجه التحديد حتى يكون قادرا على تصدير المزيد من المحتوى. هل ترغبين في أن تقولي أي شيء أكثر عن هذا الموضوع قبل أن نختتم؟

نيلا: نعم مختار، بكل سرور. كما تعلمون، فإن التنمية الرقمية أصبحت الآن في صميم التحولات، وهي محور الثقافة أيضا، لأن التطورات سريعة للغاية. ونحن محظوظون لأن لدينا الآن وزيرا شابا يقود هذا القطاع، وهو وزير يبلغ من العمر 37 عاما وهو بالتالي على دراية تامة بهذه القضايا والتحديات. وهو على دراية بالمحتوى، والمنصات، والتطور التكنولوجي، وضرورة اعتماد تشريعات بشأن قضايا حقوق المؤلف. كما أنه يضع في اعتباره اتفاقيات التجارة الحرة، لأن الثقافة في الوقت الحالي قد تم تجاهلها تماما في هذه الاتفاقيات. وعلينا أن نعمل على ضمان إدراج الأحكام المتعلقة بالثقافة في هذه الاتفاقات، وأن الجوانب الثقافية لهذه الاتفاقات يمكن أيضا تطويرها. فالوزير لديه سياسة طموحة جدا. ولننظر على سبيل المثال إلى قضية الجوع. يجري إنتاج عدد كبير من الأفلام الأجنبية في المغرب. عندما يتعلق الأمر ببراعم الأفلام الأجنبية، فإن بلدنا يكسب عدة مئات من ملايين الدولارات سنويا من عائدات إنتاج الأفلام الأجنبية. ولدينا الآن سياسة وطنية لتحفيز الإنتاج المغربي المحلي. ويعرض نحو 20 فيلما مغربيا على الشاشة الكبيرة كل عام. والمشكلة هي أنه ليس لدينا دور سينما كافية. لذلك من الصعب أن يكون هناك سياسة إنتاج بدون وجود سياسة توزيع. ويعني هذا أننا بحاجة إلى اعتماد نهج شامل، وتعمل الحكومة بنشاط لإيجاد سبل لتجهيز مراكز الشباب في جميع أنحاء المغرب لتوزيع الأفلام المغربية. والهدف من ذلك هو توفير الخدمات للجمهور العام مع إمكانية الوصول إلى هذه الأفلام بسعر منخفض. وهذا هو ما يريده الجميع - الجمهور والمنتجون والمديرون. لذلك يجري تطوير المنصات، ولدينا رؤية حديثة جدا للاتجاهات الحالية في تكنولوجيات جديدة وهذا شيء جيد.

MD: نيلا، كان من دواعي سروري أن تكوني معنا على البودكاست الخاص بنا. وسنواصل هذا الحوار في المغرب عندما نلتقي في الاجتماعات السنوية للبنك الدولي في أكتوبر/تشرين الأول. ولكن في الوقت نفسه، ستتعدد فرص تبادل الآراء والمضي قدما في الاستثمارات والقضايا التي ناقشناها للتو. كان من دواعي سروري أن يكون لكم على هذا البودكاست والتحدث عن ثقافة غناوة، والشمول الاجتماعي، والتنمية الإقليمية، وريادة الأعمال، ودور السياسة في كل ذلك. مرة أخرى، شكرا كثيرا جدا على المشاركة في هذا البودكاست. شكرًا جزيلاً.

نيلا: أشكركم جميعاً على دعوتكم.